- NOCTURNE (peinture)
- NOCTURNE (peinture)NOCTURNE, peintureEn peinture, certains thèmes religieux (Songe de Joseph, Nativité, Adoration des bergers, Jésus au jardin des Oliviers, Reniement de saint Pierre, etc.) ou mythologiques (Diane et Endymion, Amour découvrant Psyché endormie...) impliquent la suggestion de l’obscurité nocturne. C’est dans cette direction qu’il convient donc de rechercher les premières manifestations d’un traitement pictural de la nuit en tant que phénomène physique. Mais, à cet égard, une distinction préalable doit être établie entre diverses catégories d’œuvres: celles relevant tout bonnement du paysage (animé ou non, servant ou non de décor à un sujet précis, emprunté à la mythologie, à l’histoire sainte, etc.), celles représentant des scènes nocturnes d’intérieur (ou dont le cadre n’est pas précisé), éclairées artificiellement ou bien par une source de lumière invisible, celles, enfin, qui se caractérisent simplement par un clair-obscur appuyé, mais ne peuvent être considérées à proprement parler comme des nocturnes .Dans la peinture occidentale, les premières tentatives d’une expression «réaliste» de la nuit semblent remonter au XVe siècle: parmi les témoignages les plus marquants de cette époque, il faut mentionner deux miniatures du Cycle de la Passion des Très Riches Heures du duc de Berry , L’Arrestation de Jésus et Les Ténèbres , exécutées vers 1413-1416; de Piero della Francesca, la fresque du Songe de Constantin à San Francesco d’Arezzo (vers 1455); du Maître du roi René, enfin, l’une des enluminures du Cœur d’amour épris (vers 1460-1470, Staatsbibliothek, Vienne), toutes scènes dans lesquelles la nuit n’est plus suggérée comme chez Giotto et les primitifs du Trecento, par un fond bleu étoilé, mais physiquement rendue par des contrastes accusés d’ombre et de lumière et par un obscurcissement général des tons. Autant dire qu’à partir de là, la nuit devient elle-même sujet de la peinture. Ce type de recherches devait se poursuivre, de manière quasi ininterrompue, jusqu’à nos jours, et il est peu de peintres qui n’y aient participé de près ou de loin. Il a cependant connu une sorte de paroxysme dans la première moitié du XVIIe siècle avec le courant caravagesque, dit aussi ténébrisme . Pour Caravage et ses disciples comme pour Rembrandt, en effet, la rencontre des ténèbres et de la lumière revêt une double signification, à la fois plastique et spirituelle, qui ne lui avait guère été assignée jusque-là.Le succès rencontré un peu partout au XVIIe siècle par ce qu’en France on avait coutume d’appeler «nuits», c’est-à-dire ces scènes nocturnes éclairées à la chandelle ou à la torche dont les principaux tenants sont Saraceni, J. Leclerc, Honthorst (Gherardo delle Notti ), T. Bigot le Jeune (le Maître à la chandelle ), Manetti, Stomer, Terbrugghen, Seghers et G. de La Tour, ne doit pas faire oublier que des œuvres analogues existaient depuis le XVe siècle (Maître de saint Gilles, L’Arrestation du Christ , vers 1470-1480, musées royaux des Beaux-Arts, Bruxelles), et qu’à partir du XVIe siècle, au sein du maniérisme en particulier, il s’agit là d’une formule courante, encore que les artistes concernés — Altdorfer, Corrège, Tintoret, Savoldo, Mabuse, Cambiaso, A. Campi, Elsheimer, J. de Bellange, Morazzone... — l’interprètent de manières fort diverses, de telle sorte qu’il est impossible de parler d’un véritable courant. La même réflexion vaut d’ailleurs, à l’exception de la parenthèse caravagesque, pour les périodes suivantes où la tentation de la nuit est encore fort vivante, dans des genres de peintures très différents (Schalcken, Wright of Derby...).Quant au paysage nocturne, il trouve sans doute son origine dans les fonds des scènes religieuses ou mythologiques, mais ne connaît un authentique essor qu’à compter du moment où le paysage pur devient un genre pictural à part entière, c’est-à-dire vers la fin du XVIe siècle: de La Fuite en Égypte d’Elsheimer (1609, Alte Pinakothek, Munich) à L’Empire des lumières de Magritte (1954, musées royaux des Beaux-Arts, Bruxelles), le paysage nocturne constitue une tradition ininterrompue, à l’intérieur de laquelle, pour chaque registre d’inspiration, il est le support de découvertes expressives nouvelles: méditation stoïque d’un Claude Lorrain, observation minutieuse d’un Joseph Vernet et du Cavalier Volaire, intériorisation romantique avec T. Girtin et Friedrich, naturalisme poétique d’un Turner, expression de la folie chez Van Gogh... sans oublier l’apport considérable, en ce domaine, des impressionnistes, des symbolistes, de l’expressionnisme et du surréalisme, à travers Pissarro, Jongkind, Whistler, Redon, Munch, Spilliaert, Degouve de Nuncques, Delvaux et Rouault.
Encyclopédie Universelle. 2012.